(Le Nouveau Gabon) - Dans un arrêt rendu ce 5 avril 2022, la Cour d’appel de Paris a annulé la sentence rendue le 19 novembre 2019, par la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale sur l’affaire des marchés publics d’une valeur de près de 400 milliards de FCFA qui oppose l’État du Gabon au groupement Santullo-Sericom Gabon, détenu et géré par Guido Santullo jusqu’à son décès en août 2018.
Dans sa décision, l’instance d’arbitrage avait condamné la République gabonaise à payer à ce groupement 90 milliards de FCFA, représentant la dette liée à l’exécution de ces marchés passés entre 2010 et 2012, et 11 milliards de FCFA d’intérêts de retard, soit au total 101 milliards FCFA. Mais Libreville a introduit le 12 février 2020, devant la Cour d’appel de Paris, un recours en annulation de cette sentence.
Le Gabon estime en effet que ces marchés ont été surfacturés et obtenus par la corruption. Aussi la décision d’arbitrage permettait à Santullo-Sericom Gabon de profiter de ses activités délictueuses. La juridiction française d’appel vient donc de lui donner raison en annulant la sentence d’arbitrage. Elle condamne aussi ce groupement à payer à la République gabonaise une indemnité d’un montant de 80 000 euros (près de 52,5 millions de FCFA) et les dépens dont le montant n’a pas été communiqué.
Foultitude d’indices de corruption
Pour arriver à cette décision, la Cour s’appuie sur plusieurs éléments. D’abord, la juridiction a été intriguée par le fait que sept de ces marchés ont été signés par Magloire Ngambia soit comme ministre de l’Économie du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme ou en qualité de ministre de la Promotion des Investissements, des Travaux publics, des Transports, de l’Habitat et du Tourisme, chargé de l’Aménagement du Territoire.
Ensuite, la Cour constate que l’ensemble de ces marchés a été conclu par voie d’ententes directes (sans appel d’offres ou de mise en concurrence) et pour des prix supérieurs à la moyenne pour des marchés comparables de 16% à 79%, selon une expertise réalisée par le cabinet Gauff et François Pinchon, président d’honneur de la compagnie des experts agréés auprès de la Cour de cassation française et expert judiciaire près de cette même Cour.
Enfin, le rapport de l’Agence nationale d’investigation financière gabonaise du 17 mai 2017, la note de la direction générale de l’économie et de la politique fiscale du Gabon du 2 août 2018, les témoignages de certains employés de Santullo-Sericom Gabon, des courriels, les relevés des comptes bancaires et l’ordonnance du 11 novembre 2021 de la procureure fédérale du ministère public de la Confédération helvétique ont fini par convaincre la Cour de ce que Magloire Ngambia avait signé ces marchés contre des rétrocommissions versées à la fois en espèce et en nature.
« Il ressort de l’ensemble de ces éléments un faisceau d’indices suffisamment graves, précis et concordants pour entacher la conclusion et l’exécution des marchés publics, auxquels la sentence arbitrale donne effet, de corruption. Dès lors, la reconnaissance et l’exécution de cette sentence en France, susceptibles d’avoir pour effet de faire bénéficier le groupement Santullo du produit d’activités frauduleuses, sont de nature à violer de manière caractérisée l’ordre public international », soutient la décision.
Sandrine Gaingne
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