Richard Evina Obam, DG de la CAA Cameroun : « Il est plus pertinent pour nos pays de financer l’industrialisation »

Banque & Finance
jeudi, 04 novembre 2021 08:07
Richard Evina Obam, DG de la CAA Cameroun : « Il est plus pertinent pour nos pays de financer l’industrialisation »

(Le Nouveau Gabon) - Rencontré à Libreville dans le cadre de la 6e édition de la conférence internationale du forum des CDC, le directeur général de la Caisse autonome d’amortissement (CAA) du Cameroun, Richard Evina Obam, est revenu sur l’intérêt pour les pays de la Cemac d’avoir une caisse de dépôts et consignations (CDC). Et aussi, dans cet entretien avec Le Nouveau Gabon, il parle de la nécessité d’orienter les financements vers l’industrialisation afin de réformer l’économie des pays de la sous-région.

Vous avez pris part le 27 octobre dernier à Libreville à la 6eédition de la conférence internationale du forum des caisses de dépôts et consignations (CDC). Au cours de ce forum, le rôle des CDC a été mis en exergue pour la relance de l’économie des pays africains qui essaient de se relever des effets du Covid. En quoi est-ce que les CDC peuvent constituer une opportunité pour le développement économique des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique (Cemac) ?

La caisse de dépôts et consignations, qui collecte, conserve, valorise et fructifie les ressources pour le développement économique, pour les investissements, est une institution qui vient combler un vide dans le système financier des pays de la Cemac. Les pays de la Cemac ont des systèmes financiers aujourd’hui qui ont des insuffisances. Au niveau bancaire, les banques sont surliquides, mais ne contribuent pas efficacement au financement de l’économie. Le marché financier quant à lui est embryonnaire et en pleine construction. La caisse de dépôts et consignations pourra venir combler le vide en ce qui concerne les investissements longs dont on a besoin pour combler un certain nombre de gaps tel que le gap infrastructurel, numérique, énergétique… C’est à travers les financements longs que peut apporter une caisse de dépôts et consignations que l’Afrique centrale pourra amorcer sa marche vers le développement dans de bonnes conditions.

Le Gabon a déjà mis en place sa caisse de dépôt et de consignation qui a 10 ans. Que pourrait faire le Gabon pour davantage œuvrer grâce à sa CDC, à son développement ?

Le Gabon est une belle expérience de la reproduction du modèle caisse de dépôt et de consignation. Le Gabon intervient aujourd’hui dans la transformation du bois. C’est déjà un pas important, ce ne sont plus des billes de bois qui sont exportés en l’état. Il y a déjà un début de transformation. Donc, on va là vers l’’industrialisation. Le Gabon finance les logements sociaux. Ils sont sur une bonne pente. Mais, je voudrais surtout relever le fait qu’une caisse de dépôt et de consignation doit combler les vides, les déficits de financement qu’on retrouve dans les Etats. Ça veut dire que le Gabon doit faire le bon diagnostic de son économie pour voir comment faire une allocation optimale et pertinente des ressources qui peuvent être mobilisées par une caisse de dépôt et de consignation. C’est pour ça que je pense qu’il y a certes aujourd’hui une course vers le fonds vert, ce qui est salutaire, mais, en mon sens, pas prioritaire. Simplement parce que j’estime qu’il est plus pertinent pour nos pays aujourd’hui de faire drainer des ressources vers des financements qui sont liés au retard infrastructurel que connaissent nos pays, au retard énergétique, aux couts qui sont liés à l’industrialisation parce que je pense que l’industrialisation est la priorité des priorités pour nos pays. Car cette industrialisation permettra de créer des emplois, de reformer structurellement l’économie, et surtout accompagner la compétitivité de cette économie sur la scène économique internationale.

Au cours de ce forum, il a été recommandé aux pays qui trainent encore le pas, de mettre en place des CDC au vu de leur importance pour le financement de l’économie. Or, depuis une dizaine d’années, les textes régissant le fonctionnement de la CDC du Cameroun sont disponibles. Mais on attend toujours la nomination de l’équipe dirigeante. Savez-vous pourquoi ça traine autant ?

On ne peut pas dire que ça traine. Le Cameroun est un pays qui avance à pas mesurés. La création de cette institution a été actée par une loi du 14 avril 2008. Et puis, le Cameroun estime qu’une caisse de dépôts et consignations doit répondre à un besoin réel. Vous avez vu l’évolution de la caisse de dépôt et de consignation française lors de la reconstruction. Aujourd’hui, ils ont des problèmes réels en termes de réchauffement climatique et de protection de l’environnement. On oriente les financements de ce côté. Mais, ce n’est pas la même pertinence qu’on retrouvera pour des pays comme le nôtre qui ont de sérieux soucis d’investissement long au regard de la faiblesse du système bancaire et qui ont besoin de l’argent pour investir sur des infrastructures, dans le numérique qui a un impact qu’on ne peut pas mesurer dans l’ensemble de l’économie.

Dans ce contexte de relance économique post pandémique, la caisse de dépôts et consignations peut constituer effectivement une alternative en matière de financement ou d’accompagnement des politiques publiques. Mais, maintenant, les dispositifs qui sont présents ne montrent complètement pas de défaillances. Aussi, la caisse de dépôts et consignations n’est pas la panacée qui viendra régler tous les problèmes économiques, tous les problèmes de relance. La preuve en est qu’en France, la CDC malgré toutes ses réalisations continue de faire l’objet de toute sorte de critiques. C’est dire que ce n’est pas au Cameroun où elle n’a même pas encore commencé à travailler qu’on va lui faire le plus gros procès. Ce qui est sûr, le Cameroun est dans une démarche prudente, de réformes et lorsque les autorités comprendront que le moment est venu de mettre véritablement en service la CDC, elles vont le faire et elle pourra apporter les résultats que nous escomptions.

Propos recueillis par Sandrine Gaingne

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