(Le Nouveau Gabon) - Créée en 2010, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) du Gabon est un investisseur public qui a investi ces 10 dernières années dans plusieurs projets d’intérêt général de la population gabonaise. Cette institution a notamment investi dans la zone de Nkok, construit des logements sociaux pour les populations. Au cours de la 6e édition de la Conférence internationale du forum des Caisses de dépôt qui s’est tenue à Libreville le 27 octobre 2021, Eyi Christophe, directeur général adjoint de la CDC Gabon est revenu sur les réalisations de cette institution financière 10 ans après sa création.
Le Nouveau Gabon: Ça fait une décennie que la Caisse des dépôts et consignations du Gabon a été créée. Quel bilan 10 ans après ?
Eyi Christophe: Après 10 ans effectivement, nous devons capitaliser sur nos points forts et corriger nos faiblesses. La Caisse des dépôts est une entité qui se voit confier des dépôts légaux affectés par le gouvernement pour pouvoir appuyer les politiques publiques. Très simplement, l'État met à la disposition de la CDC de l’argent pour pouvoir aller plus loin dans des projets économiques stratégiques.
Ces 10 dernières années, la CDC a investi dans plusieurs entreprises qui aujourd’hui conduisent leurs activités dans la zone économique spéciale de Nkok. Il y a également quelques programmes qui ont été finalisés s’agissant du logement. Il s’agit notamment du logement Bougainvilliers et Magnolia dans la zone d’Akanda, et ça se poursuit avec des programmes qui sont en cours de lancement. Notamment à Mindoubé et à Okolassi avec une nouvelle stratégie. Celle de mettre à la disposition des Gabonais des terrains sur lesquels ils pourront envisager la construction de leurs propres logements.
Également, après 10 ans, nous avons bien avancé dans tout ce qui est stratégie de collecte des dépôts. On a combattu pendant longtemps pour avoir des fonds en déshérence détenus par les banques et les compagnies d’assurance. Les fonds en déshérence sont par exemple des fonds détenus par les banques et compagnies d’assurance et appartenant à un Gabonais décédé sans héritier connu ou un légataire. Et donc, ces fonds-là sont aujourd’hui logés à la CDC jusqu’à ce qu’on retrouve des éventuels héritiers. Ça été une réussite, ça a été concrétisé cette année avec des montants significatifs qui ont été remis à la CDC par les compagnies d’assurance et les établissements bancaires de la place. On a atteint deux milliards de retour dans l’ensemble des fonds restitués par les compagnies d’assurance et les banques.
LNG : Mais tout n’a pas toujours bien marché…
Bien évidemment, pendant 10 ans, il y a des choses qui ont été moins bien faites. Il y a de petites erreurs notamment, une stratégie à revoir dans le domaine de la construction des logements. Il faut que ça aille plus vite. Nous sommes dessus. On est en train effectivement d’ajuster notre stratégie sur ces questions-là. On doit mettre un coup d’accélérateur sur tout ce qui est développement territorial. Nous voulons mettre en relation plusieurs partenaires pour pouvoir permettre aux Gabonais placés dans les zones les plus reculées, d’avoir accès à des services basiques, continuer à accompagner l’Etat dans la mobilisation des fonds internationaux pour pouvoir mettre en place des programmes sur le changement climatique. Ce sont nos enjeux stratégiques des années à venir. Nous voulons toucher les Gabonais, où qu’ils se trouvent.
Il faudra également faire un bilan de notre outil de travail. On a un outil qui est vieillissant. Et aujourd’hui, nous travaillons à complètement changer notre core system. Changer notre système d’exploitation c’est effectivement permettre à nos clients d’avoir des services à la hauteur des services qui sont proposés par les banques. C’est nos concurrents. Nous collectons des dépôts au même titre que les banques. L’idée c’est que nos partenaires puissent être capables d’avoir accès à leur compte à distance pour pouvoir faire des opérations à distance, et en temps réel. C’est aujourd’hui les grands challenges de la CDC pour pouvoir continuer à exister.
LNG: Vous avez parlé plus haut de la nouvelle stratégie en termes de logements. En quoi consiste-t-elle ?
EC: On a l’obligation de construire des logements sociaux. C’est un point qui n’est pas très facile dans un pays où l’accompagnement des banques n’est pas suffisant. L’acquéreur a besoin d’un crédit immobilier, un crédit hypothécaire et les financements proposés par les banques sont généralement les financements qui dépassent rarement une durée de 10 ans. C’est toujours compliqué compte tenu des prix du marché, d’avoir des crédits à la portée des petites bourses. Ce sont des choses qu’on essaie de régler avec des partenaires extérieurs pour pouvoir permettre d’avoir effectivement des crédits de refinancement de l’habitat. Ça consiste à ajouter des financements extérieurs plus longs à des taux plus intéressants pour venir atténuer l’effet d’un taux qui serait trop élevé. Ça permettrait d’allonger la durée et faire baisser le taux. C’est déjà dans ce sens que nous sommes en train d’œuvrer. Et par ailleurs pour le Gabonais qui souhaiterait avoir accès à un terrain pour pouvoir lancer la construction de son logement, c’est également proposé. Là nous sommes sur 380 hectares à Okolassi que nous voulons viabiliser. Nous sommes dans la phase d’aménagement et dans la phase de planification pour pouvoir permettre à ces Gabonais d’avoir accès à ces logements. Tous les Gabonais qui désireraient acquérir ces terrains pourront le faire. Nous nous battons pour avoir ces terrains le moins cher possible.
LNG: Quel est votre niveau d’accompagnement des PME ?
EC: Ce sont des secteurs qu’il faut dynamiser. La PME gabonaise a quelques problèmes de structuration. Une PME que la CDC accompagne doit pouvoir produire des états financiers, doit pouvoir démontrer d’une bonne gestion, d’une bonne gouvernance, et en général la sélection est toujours difficile. Notre accompagnement est d’abord d’aider ces PME à se structurer. On a quelques dossiers sur la table. Et ces PME, on les accompagne dans la structuration de leur fonctionnement pour pouvoir par la suite, éventuellement séduire des bailleurs de fonds avec lesquels nous travaillons qui sont spécialisés dans le financement des PME et pourquoi pas, gagner en crédibilité auprès des établissements financiers autres que la CDC.
LNG: Comment la CDC accompagne-t-elle l'économie verte ?
EC: La CDC est prestataire de services pour le fonds vert climat. Cela signifie qu’aujourd’hui, lorsque les subventions du fonds verts climat arrivent, c'est la CDC qui en est le gestionnaire financier et technique pour le compte de l’autorité nationale désignée qu’est le conseil climat. Et donc, aujourd’hui, nous participons à la mise en œuvre des projets d’accompagnement financier, nous participons à la rédaction des requêtes de financement, nous passons des marchés pour l’acquisition des biens et services, nous organisons toute l’administration et la rédaction des rapports qui sont ensuite remis au fonds vert climat. Et aujourd’hui, nous voulons aller plus loin.
Pour l’instant, la CDC est accréditée pour gérer des subventions jusqu’à un million de dollars et nous voulons aller plus loin et mobiliser des ressources jusqu’à 250 millions de dollars. Ça demande effectivement de gros efforts en matière d’organisation, et nous sommes dessus. Le fonds vert climat a mandaté il y a quelques temps un cabinet international pour venir auditer notre organisation, des écarts ont été identifiés par rapport au dispositif cible du fonds vert climat et ces écarts-là, nous sommes en train de les corriger pour pouvoir avoir un dossier au point pour soumettre notre candidature pour l’accréditation.
Propos recueillis par Sandrine Gaingne