(Le Nouveau Gabon) - Le gouvernement gabonais et les syndicats de personnels des régies financières viennent de signer un protocole d’accord pour sortir de la crise qui avait cours au sein des administrations financières du pays. Yolande Nyonda (photo), Secrétaire générale du ministère du Budget et des Comptes publics, revient sur les mobiles à l’origine de cette crise, ainsi que sur la signature de ce protocole d’accord, considéré comme une grande victoire pour le gouvernement.
Le Nouveau Gabon : Mme la secrétaire générale, le gouvernement vient de désamorcer la crise qui avait cours dans les régies financières. Pourquoi qualifiez-vous cet événement de grande victoire pour le gouvernement ?
Yolande Nyonda : Le dénouement de cette longue crise que vient de traverser notre pays est à saluer. Depuis quatre mois, les régies financières du Gabon étaient quasiment en grève. Cela a causé une énorme perte pour le pays. Mais, après les négociations, les régies financières ont accepté de reprendre du service avec, à la clé, la signature d’un important protocole d’accord avec le gouvernement. Vous comprenez donc qu’il y a lieu, ici, de se réjouir de cette heureuse sortie de crise.
Quels étaient les principaux motifs de revendication des syndicats ?
Le point essentiel de la grève concernait des arriérés de paiement de primes, et rien d’autre. En effet, après la suppression des primes par le président de la République, et de la PIP qui était payée à l’ensemble des fonctionnaires, on a octroyé aux régies financières, une prime spécifique à la performance liée à la particularité de leur activité. Et, contrairement à ce que certains pourraient penser, ce principe est universel, il n’est pas spécifique au Gabon.
Alors, que s’est-il passé ?
Oui, il convient, en premier lieu, de relever qu’aujourd’hui, cette fameuse prime est assise sur des ressources dites exceptionnelles des administrations financières. C'est-à-dire : les pénalités, les amendes, les contentieux douaniers, fiscaux etc. Jusqu’en 2014 et 2015, le mécanisme fonctionnait correctement et les administrations financières faisaient correctement leur travail, traquaient les mauvais payeurs et, en retour, percevaient leurs primes normalement.
Mais, à partir de mi 2016, et surtout après la crise postélectorale, le travail a pris un coup. Notamment, avec une forte baisse d’activités liée à de multiples facteurs. Résultats des courses, les ressources qui finançaient ces primes se sont amoindries. L’Etat, face à ces insuffisances, s’est retrouvé dans l’obligation de reporter les paiements qui se sont malheureusement accumulés. Et c’est suite à cette situation que les régies ont donc lancé leur mouvement de grève.
Quelles ont été les dispositions prises par le gouvernement pour sortir de cette impasse ?
Depuis le mois d’août 2017, le gouvernement a entamé des discussions avec les syndicalistes. Nous avons, par exemple, dans ce cadre décidé du changement des paradigmes avec la mise en œuvre d’un nouveau mécanisme. Il a ainsi été décidé que, contrairement au passé, le paiement des primes allait désormais reposer sur les ressources produites par les régies financières. Ce qui, loin d’être une sanction, devait plutôt constituer une incitation à la performance.
Finalement…
Après d’intenses et âpres négociations de près de 14 heures avec les syndicats, nous avons pu trouver un modus vivendi, le 28 septembre 2017.
Alors, que prévoient concrètement les termes de cet accord ?
En dehors de la levée du mot d’ordre de grève, nous avons également conclu une trêve sociale de trois ans. Dans le cadre de cette trêve, pendant ladite période, nous allons mettre en place un cadre bipartite, où toutes les problématiques liées à leurs activités seront traitées, par un groupe paritaire chargé de les examiner.
Y a-t-il eu d’autres acquis ?
Le protocole d’accord prévoit également que les régies financières auront désormais droit à trois mois de prime plancher, calculés sur la base des périodes creuses, pour démarrer l’année. En plus, ils auront aussi désormais droit au 13e mois. Ce sont tout simplement des mesures mises en œuvre pour améliorer leurs revenus et, par conséquent, leur quotidien afin de les inciter à la performance.
Il est aussi prévu un ajustement des primes au niveau de la performance. Bref, le protocole stipule que la prime sera désormais payée à ceux qui sont effectivement au travail.
Cela ne s’apparente-t-il pas à la logique de la carotte et du bâton ?
Si vous le voulez, mais pour le gouvernement, cela constitue une manière de mieux contrôler et apprécier le travail de ces administrations financières.
Ce sont là, les engagements des syndicats. Qu’en est-il du gouvernement ?
Les grandes lignes du protocole prévoient, qu’en contrepartie, le gouvernement s’engage à liquider les arriérés réclamés. Donc, d’ici la fin de l’année, toute la question sera évacuée.
A combien s’élèvent ces arriérés ?
En gros, la dette liée aux arriérés a été stabilisée, au 30 juin 2017, avec tous les syndicats à 12 milliards de FCFA. Nous avons commencé par un paiement de 8 milliards. Ensuite, nous passerons au paiement des 4 milliards restants dans les prochains jours.
Pourtant, les syndicats réclamaient également le paiement des primes du mois de juillet 2017.
Oui, il faut retenir que nous sommes entrés dans le nouveau mécanisme depuis le mois de juillet. Mais, pour le gouvernement, il était primordial d’évacuer le protocole d’Arambo qui représentait ces 12 milliards de FCFA. Mais, compte tenu de certains facteurs, le mois de juillet sera également pris en compte à hauteur de 4 milliards. Mais dans l’ensemble, l’Etat s’est engagé à solder ces arriérés de primes, d’ici la fin de l’année.
Avec la conjoncture économique actuelle, d’où vont provenir les ressources qui financeront ces primes ?
Elles proviendront des ressources exceptionnelles. Elles ne sont pas incluses dans la loi des finances.
A combien est évalué le préjudice causé financièrement par cette crise à l’Etat ?
La grève des régies financières a été très préjudiciable pour l’économie du pays. Elle faisait perdre à l’Etat gabonais près d’un milliard de francs CFA chaque jour, pendant près de quatre mois. Allez-y donc calculer. Vous comprenez qu’il fallait à tout prix reprendre le travail.
C’est le sens principal à donner à cette trêve sociale?
Oui, en premier lieu. Car, les régies financières sont les mamelles de l’activité économique du pays. Ensuite, la trêve sociale va permettre une certaine accalmie pour mettre en œuvre le Plan de relance de l’économie. Ce sont autant d’éléments qu’il fallait prendre en compte par le gouvernement pour signer cette trêve sociale, afin que les administrations financières participent réellement à la mise en œuvre de ce plan.
Tous les syndicats des régies financières ont-ils participé à cet accord ?
Nous avons signé avec 14 des 15 syndicats qui représentent près de 90% du personnel des régies financières. Il y avait notamment : les syndicats des impôts, les trois syndicats de la douane, le syndicat de l’Agence judiciaire de l’Etat, le syndicat du Trésor, le syndicat de la Direction générale du budget et des finances publiques, le syndicat de la Direction générale des hydrocarbures et plusieurs autres.
La Fédération des syndicats des régies financières et des administrations assimilées (FESYREFAA) de M. Mvou Ossialas dit n’être pas concernée par cet accord et entend poursuivre le mouvement
Laissez-moi-vous dire que M. Mvou Ossialas était dans l’intersyndicale. Sauf que les autres n’ont plus accepté sa façon de faire qui frisait beaucoup plus le populisme et l’activisme politique. Ils l’ont donc relevé de ses fonctions. Et c’est après cette sanction qu’il a créé son propre syndicat. Au lieu de mener des discussions avec l’administration dans un cadre approprié, il a décidé de faire la politique de la chaise vide. Tout en choisissant plutôt la rue et les réseaux sociaux comme son champ de prédilection.
En outre, il a surfé sur cette situation de non-paiement des primes pour nourrir son activisme politique. Maintenant que nous allons payer les arriérés, les personnes qui le suivaient seront bien obligées de faire le bon choix en reprenant le chemin du travail. Autrement dit, son mouvement est voué à la mort. Néanmoins, les portes lui restent ouvertes, s’il entre dans la trêve sociale.
Comment allez-vous vous assurer de la reprise effective du travail ?
Dès cette semaine, tous les secrétaires généraux vont faire le tour des administrations concernées afin de s’assurer de la reprise effective du travail. Mais, déjà lors de la signature du protocole d’accord, les syndicalistes se sont engagés à reprendre le travail.
Propos recueillis par Stéphane Billé