(Le Nouveau Gabon) - Créé au Gabon en 2020, l’Institut international de médiation, d’arbitrage et de conciliation (Iimac) devrait être fonctionnel avant la fin de l’année. « Nous accueillerons les premières affaires dès le 20 décembre 2021. Nous avons pris la première année pour former, sensibiliser, nous faire connaitre dans la zone Ohada (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) et asseoir cette nouvelle structure. Nous étions dans la Zone économique spéciale de Nkok pour tenter le rapprochement avec les investisseurs pour une justice alternative de proximité », soutient Yvette Ngwevilo Rekangalt, promotrice de l’Iimac. À ce jour, l’institut a formé une quinzaine d’arbitres et une trentaine de médiateurs. Il a également sensibilisé près de 60 chefs de quartiers à Ntoum, Libreville, Owendo et Akanda.
Dans les milieux d’affaires, cette perspective enchante, car elle devrait contribuer à améliorer le climat des affaires dans le pays. « Lorsqu’un opérateur économique s’installe dans un pays, il se soucie de plusieurs choses, mais fondamentalement de la sécurité de son investissement. Et cette sécurité de son investissement repose sur la capacité que l’opérateur peut avoir de saisir un juge lorsqu’il a un litige et de voir ce juge régler son litige de façon adéquate. C’est-à-dire, rapidement, en toute indépendance et avec un esprit de professionnel », explique le président de la Cour commune arbitrale de l’Ohada, Apollinaire Ondo Mve, de passage à Libreville pour la formation des arbitres.
Célérité
Justement, l’arbitrage a pour ambition de rassembler toutes ces qualités. « Parce qu’en matière d’arbitrage, c’est d’abord la confiance que les parties placent en leurs arbitres. Parce que ce sont les partis elles-mêmes qui les choisissent et elles sont donc disposées à accepter la décision que ces derniers peuvent rendre », explique Ondo Mve Apollinaire. Par ailleurs, il y a en plus la célérité dans le traitement des litiges. Il dure moins 6 mois en arbitrage contrairement à la justice étatique où des affaires peuvent durer plusieurs années. Ce qui fait perdre du temps et de l’argent aux justiciables.
L’ouverture d’un dossier en arbitrage au Gabon coute 200 000 FCFA contre 100 000 FCFA en médiation et environ 10 000 FCFA pour la justice étatique, apprend-on. Néanmoins, la justice étatique est considérée comme la plus onéreuse. « On dit que l’arbitrage c’est moins onéreux, parce que vous payez et vous êtes sûr d’avoir votre décision après 3 mois ou 6 mois. Mais, si l’affaire dure d’année en année, ça va revenir plus couteux, comme c’est le cas dans les tribunaux », explique Ngwevilo Rekangalt.
D’après le ministère de la Promotion des investissements, la réduction des délais de traitement des contentieux commerciaux permettrait au Gabon d’améliorer son climat des affaires dans un contexte où le Gabon multiplie des stratégies pour attirer des investisseurs et figurer parmi les meilleures économies africaines. Dans le rapport Doing Business 2020 de la Banque mondiale, le Gabon est classé à la 170e place sur 190 en matière de délais de traitement des contentieux commerciaux, en raison de la durée de règlements qui peut atteindre jusqu’à cinq ans, apprend-on. « J’ai en ce moment un litige foncier au tribunal qui dure depuis plus de cinq ans. J’ai déjà beaucoup dépensé de mon temps et de mon argent pour ce dossier. Si j’avais la possibilité, je prendrais sans hésiter un arbitre pour aller plus vite », soutient d’ailleurs un chef d’entreprise gabonais.
Désengorgement
À en croire des juristes, le stock des dossiers en souffrance dans les tribunaux étatiques est considérable. Selon Me Christ Ndong, greffier en chef adjoint au tribunal de Commerce de Libreville, « on peut avoir plus de 1000 procédures déposées depuis le début de l’année judiciaire (octobre 2020) » au tribunal de Commerce situé à Akanda. Du ministère de la Justice, on apprend que les délais moyens des règlements des litiges commerciaux au Gabon se situaient à 1160 jours en 2020 avant la mise en place des tribunaux de commerce, contre 589 dans les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE).
L’engorgement des tribunaux de Libreville, d’après Me Christ Ndong, s’explique notamment par un déficit d’avocats. « Il y a très peu d’avocats. Et donc, ce sont les mêmes avocats qui plaident au tribunal de Libreville, à la Cour des comptes… ». Conséquence, ne pouvant traiter tous les dossiers qu’ils ont à gérer, ils sont parfois obligés de demander des renvois d’audiences, déplore un juriste.
Pour Yvette Ngwevilo Rekangalt, on peut éviter cette situation en envoyant certains dossiers en arbitrage ou en médiation. Car, à l’en croire, au moins ¾ des affaires en cours au tribunal de première instance de Libreville peuvent être traités en arbitrage ou en médiation. Seulement, l’arbitrage n’a pas de force exécutoire. C’est-à-dire que l’arbitre ne peut contraindre les parties d’appliquer sa sentence. Donc, si l’une des parties conteste la sentence arbitrale, il faut de nouveau saisir la justice publique.
Sandrine Gaingne
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