(Le Nouveau Gabon) - Après 60 jours d’audit de plusieurs entreprises ayant passé des marchés avec l’Etat gabonais, la taskforce de la dette intérieure et extérieure, pilotée par Pierre Duro a rendu ses premières conclusions. Selon son rapport d’étape rendu publique le 15 novembre 2023, des créances dues au paiement des impôts d’environ 66 milliards de FCFA ont été détectées au cours de l’audit et une partie de cette dette a été recouvrée en collaboration avec la direction générale des impôts. « C’est près de 20 milliards de FCFA qui ont été recouvrées auprès des entreprises » et « près d’une quarantaine d’entreprises qui a fait l’objet d’audition auprès de la Taskforce. Les engagements fiscaux à recouvrer sont évalués à hauteur de 46 milliards de FCFA », lit-on dans ledit rapport.
Par ailleurs, la taskforce affirme avoir recouvré une centaine de milliards de FCFA sur près d’une cinquantaine de comptes bancaires des personnes physiques et morales.
Outre ces sommes d’argent recouvrées, l’audit de la taskforce sur la dette intérieure et extérieure a permis en 60 jours, de détecter de manière globale, des surfacturations dans la réalisation de plusieurs marchés passés avec l’Etat, le non-respect des procédures des marchés publics, le détournement des fonds des projets. La taskforce déplore également un budget de fonctionnement excessif et la mauvaise utilisation des fonds, ainsi que des coordonnateurs de projets incompétents accumulant des fonctions administratives au sein des cabinets ministériels.
Entreprises épinglées
Dans le rapport de la taskforce en effet, plusieurs entreprises ont été épinglées pour des surfacturations et des fraudes entre autres dans l’exécution des marchés publics passés avec l’Etat. Par exemple, Sobea, entreprise de Travaux publics et génie civil, est accusée d’avoir surfacturé le projet d’aménagement des Bassins Versants de Gué-Gué, Lowé-IAI et Terre-Nouvelle financé grâce à un prêt de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (Bdeac). Selon le rapport, l’entreprise de BTP aurait effectué une surfacturation de plus de 7 milliards de FCFA sur les prix unitaires, ainsi que des paiements des prestations non réalisées en complicité avec la mission de contrôle Cira Mali et les équipes de l’Unité de coordination de l’étude et des travaux (UCET) du ministère des Travaux publics. Par exemple, le prix unitaire des moustiquaires imprégné a été facturé à 55 000FCFA au lieu de 7000FCFA, et pour les blocs latérites, Sobea a facturé à 106000FCFA le mètre cube sur site au lieu de 50 000FCFA. A en croire la taskforce, Sobea a reconnu la surfacturation et a donné son accord pour réaliser à titre de compensation, des voiries sur Libreville sur un linéaire de 8,5km.
La taskforce révèle également que l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN) a reçu plus de 85 milliards de FCFA au cours de ces dernières années et aucun projet concret d’infrastructures n’a été réalisé. « La preuve, même les locaux de l’ANPN n’ont pas été construits. Plus de 90% de ces budgets sont dédiés au fonctionnement de l’ANPN. La taskforce a donc recommandé la suspension des activités du directeur technique et de son adjoint », lit-on dans ledit rapport.
L’on peut également citer des cas de surfacturations détectées sur les travaux de construction du lycée technique de Gamba, par l’entreprise Sowaf, ainsi que des surfacturations de 1,5 milliard de FCFA par l’entreprise Zainab sur le projet relatif au pavage des voiries prioritaires du Grand-Libreville au niveau du Carrefour Rougier-Cimetière Igoumié long de 4 km. Des irrégularités sont aussi à déplorer sur le projet de renforcement de la production d’eau potable du Grand Libreville par l’entreprise Orient Green construction.
A l’issue de cet audit, la taskforce pilotée par Pierre Duro a recommandé à l’Etat de prendre des mesures « urgentes et fortes » en mettant en place une politique radicale qui viserait à assainir les finances publiques mais, également, lutter contre l’enrichissement illicite et les détournements des fonds publics. Ce, afin de garantir un meilleur avenir concernant la gestion des fonds dédiés aux projets prioritaires.
A noter que les résultats de cet audit donneront un nouveau souffle aux finances publiques gabonaises. Car avec les créances qui seront recouvrées et les dettes qui seront annulées au terme du processus, le gouvernement pourra disposer de nouveaux leviers, pour payer la dette « réelle » de l’Etat.
Sandrine Gaingne
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