(Le Nouveau Gabon) - Dans leur rapport bilan du 2e septennat d’Ali Bongo, Mays Mouissi et Harold Leckat laissent croire que le taux de réalisation du programme « Mon engagement pour un Gabon émergent », présenté par le président sortant lors de sa déclaration de candidature à la présidentielle de 2016, est de seulement 12 %. « Dans les 105 promesses qui ont été faites, nous avons en tout et pour tout 13 qui ont été intégralement réalisés à l’issue du septennat. Ce qui fait un taux de réalisation de 12 % », indique d’ailleurs Mays Mouissi sur les antennes radio de la Deutsche Welle quelques jours après la publication de ce document intitulé « 105 promesses, 13 réalisations. Le bilan du second septennat d’Ali Bongo Ondimba (2016-2023) ».
Cette affirmation est statistiquement incorrecte. Elle laisse en effet croire que 80 % des engagements n’ont pas été tenus. Et pourtant, son propre rapport parle de « 59 promesses non réalisées (56 %) ». En fait, dans le but de mieux soutenir son qualificatif de « bilan chaotique », l’économiste a ignoré les « 11 promesses partiellement réalisées (11 %) et 21 promesses très partiellement réalisées (20 %) », selon la terminologie de son document. Il s’agit là d’un niveau de réalisation dont l’apport dans le taux de réalisation global du programme ne saurait être nul.
Subjectivité
De plus, l’attribution des qualificatifs « partiellement » et « très partiellement » suggère une certaine subjectivité. Le rapport indique que les promesses « très partiellement réalisées » sont celles qui ont commencé à être mises en œuvre sans montrer de progrès significatifs, et les promesses « partiellement réalisées » sont celles qui ont fait des progrès importants sans pour autant être totalement accomplies. En l’absence de taux de réalisation de chaque engagement, il est difficile d’établir de manière objective une frontière entre ces deux catégories. Par ailleurs, même les promesses dites « non réalisées » ne sont pas forcément celles qui affichent un taux d’exécution nul. Selon le rapport, cette catégorie intègre aussi les engagements, dont « les actions entreprises pour leur mise en œuvre sont très peu significatives ». C’est-à-dire qu’elles ont quand même commencé à être mises en œuvre.
L’évaluation de certains engagements est sujette à question. À titre d’illustration, le renforcement du soutien à la création culturelle a été jugé « très partiellement réalisé », malgré l’instauration d’une cérémonie de remise de prix aux artistes dans différents domaines, dénommée « La Nuit du Talent ». Pour justifier cette appréciation, Mays Mouissi et Harold Leckat estiment que « des doutes persistent sur la pérennité de cette initiative perçue par l’opinion comme une opération de communication en prélude à l’entrée en pré-campagne d’Ali Bongo Ondimba dans la perspective d’une élection à un troisième mandat ».
Autre exemple, le rapport estime que l’engagement de hisser le Gabon dans le top 10 des pays africains réformateurs du Doing Business n’a pas été réalisé. Mais son évaluation repose sur le Doing Business 2020. Ce classement est le dernier publié avant que la Banque mondiale ne mette un terme à cette initiative. Il ne prend en compte que les réformes réalisées pour l’essentiel en 2019. Le pays a pourtant poursuivi ses réformes et espérait même gagner 10 places dans le Doing Business 2022. Avec l’arrêt de la publication de ce baromètre, il semble difficile de préjuger de place que le Gabon aurait occupée à la fin de ce septennat.
Contexte
En corrigeant tous ces biais, il est évident que le taux de réalisation globale du programme Mon engagement pour un Gabon émergent serait supérieur aux 12 % affichés. En mettant cette performance en perspective avec le contexte dans lequel elle a été obtenue, il parait sévère de parler de « bilan chaotique » ou de conclure à un échec. Il faut dire que les auteurs du rapport reconnaissent eux-mêmes que « des événements endogènes et exogènes ont pu perturber la mise en œuvre effective de certains engagements programmatiques ».
En effet, plusieurs événements, imprévisibles en 2016 lorsque Ali Bongo Ondimba prenait ces engagements, sont survenus au cours de ce septennat. Au plan interne, on peut citer la crise post-électorale de 2016 ; l’accident vasculaire cérébral du président de la République d’octobre 2018 ou encore la tentative de coup d’État de janvier 2019. À l’international, on peut évoquer la pandémie du Covid-19 en 2020 donc les conséquences sur les économies du monde sont toujours perceptibles à ce jour et le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022.
Pour permettre aux citoyens de faire des choix éclairés, comme ambitionnent Mays Mouissi et Harold Leckat, il parait nécessaire d’affiner davantage la méthodologie d’évaluation.
Aboudi Ottou