(Le Nouveau Gabon) - La décision n’a pas fait l’objet d’une annonce officielle. Mais depuis le 21 février 2023, la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) n’a plus injecté le moindre centime dans le système bancaire au titre de son opération hebdomadaire d’injection de liquidités, peut-on constater en parcourant ses appels d’offres. À la place, la banque centrale commune aux six pays de la zone Cemac (Cameroun, Gabon, Congo, Tchad, Guinée Équatoriale, Centrafrique, Congo) propose désormais toutes les semaines une offre de reprise de 50 milliards FCFA.
Pour ce placement, d’une maturité de 7 jours, les banques sont rémunérées à un taux alléchant de 0,75%. Au cours de la dernière opération qui date d’ailleurs du 4 avril, la banque centrale a décidé de porter sa demande à 70 milliards FCFA. Les opérations principales de ponction de maturité longue (50 milliards sur un an) ont été maintenues. Ce qui signifie qu’en moyenne c’est 120 milliards de FCFA que la Beac espère retirer du système bancaire chaque semaine. Selon nos calculs, l’institut d’émission monétaire a pu capter depuis le début du mois de mars 211 milliards de FCFA, et ceci à cause d’une nette réticence des établissements de crédit.
Depuis décembre 2021, le Comité de politique monétaire de la Beac augmente ses taux directeurs avec pour objectif de lutter contre l’inflation projetée à 6,4% cette année, soit plus du double du seuil communautaire de 3%. Le taux d’intérêt des appels d’offres (Tiao) et le taux de la facilité de prêt marginal (TFPM) sont ainsi passés respectivement de 3,25 à 5% et 5 à 6,75%. En suspendant les injections et accélérant les ponctions de liquidités, la Beac donne clairement un nouveau tour de vis à sa politique monétaire.
Soutien du FMI
Dans sa démarche, la Beac est d’ailleurs encouragée par le Fonds monétaire international (FMI). « Les administrateurs saluent le resserrement de la politique monétaire de la Beac, et l’encouragent à resserrer davantage si elle observait des signes de poussée inflationniste… Les administrateurs encouragent également la Beac à absorber plus efficacement les liquidités excédentaires et à mettre en œuvre la réglementation des changes de manière transparente et cohérente », peut-on lire dans un communiqué publié par l’institution de Bretton Woods le 22 décembre dernier.
Mais cette politique restrictive commence à avoir un impact sur les coûts du crédit. Selon les données de la Beac, les taux d’intérêt pratiqués par les banques de la Cemac sont passés de 10,29% en septembre 2021 à 10,75% un an après, soit une augmentation de 45 points. La hausse est encore plus importante en glissement trimestriel. Entre le 2e et le 3e trimestre 2022, ces taux sont passés de 9,99% à 10,75%, en hausse de 76 points. Par ailleurs, entre 2021 et 2022, le taux d’intérêt moyen des bons du Trésor assimilables sur le marché des titres publics de la Beac est quant à lui passé de 5,60 à 5,76% et celui des obligations du Trésor assimilables de 8,77 à 8,91%.
« S’il faut avoir une politique d’assouplissement, nous risquons de voir l’inflation s’accroître davantage. L’inflation est plus nocive que des taux d’intérêt élevés », assume le gouverneur de la Beac, Abbas Mahamat Tolli (Photo). Pourtant, cette orientation peut aussi avoir des conséquences négatives sur la croissance économique de la sous-région qui fait en réalité face à une inflation importée et à de ce fait besoin de ressources pour soutenir son secteur productif. D’ailleurs, en mars, la Beac a abaissé ses projections de croissance pour 2023 à 2,7% contre les 3% espérés au mois de décembre.
Cédrick Jiongo
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