(Le Nouveau Gabon) - Dans la Lettre de recherches que la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) vient de publier, le gouverneur de cette Banque centrale en personne fait des révélations sur les obstacles rencontrés dans la mise en place de la bourse unifiée de la Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale et Tchad).
S’agissant de l’institution d’une bourse des valeurs mobilières unique, Abbas Mahamat révèle qu’il a été retenu, dans la stratégie consensuelle pour cette fusion, de procéder à l’évaluation indépendante des deux bourses (Bvmac à Libreville au Gabon et DSX à Douala au Cameroun), préalablement à leur fusion effective. Pour ce faire, sur la base des termes de références validés avec l’ensemble des acteurs, il a été procédé au recrutement d’un cabinet indépendant, en l’occurrence PricewaterhouseCoopers Cameroun (PwC Cameroun).
Conformément aux résolutions consensuelles de la réunion du 7 décembre 2018, les conseils d’administration des deux bourses se sont effectivement réunis respectivement le 27 décembre 2018 pour la DSX et le 21 janvier 2019 pour la Bvmac. Seulement, « à la lecture des résolutions de ces conseils d’administration, il ressort que les organes délibérants de la DSX et de la Bvmac n’ont pas validé le projet de Traité de fusion proposé par le Cabinet PwC Cameroun », révèle le gouverneur de la Banque centrale.
La non-validation du projet de Traité de fusion par les organes délibérants des deux bourses a entraîné de facto le non-respect du chronogramme initial de finalisation de la fusion de la Bvmac et de la DSX, arrêtée le 7 décembre 2018. Suite à ces blocages, une réunion de concertation regroupant les deux régulateurs (Cosumaf au Gabon et CMF au Cameroun), les deux bourses (Bvmac et DSX), le cabinet PwC, la Beac et le Commissaire à la fusion (le cabinet Mazars Cameroun) s’est tenue le 4 mars 2019 à Douala, afin de lever les derniers obstacles à la validation du projet de Traité de fusion en vue d’aboutir à la fusion effective des deux bourses.
À l’issue de cette réunion, la DSX a levé toutes ses réserves et s’est engagée à valider le Traité de fusion au plus tard le 20 mars 2019, nouveau délai fixé pour l’aboutissement de la fusion physique des deux bourses. Ce qui a été fait le 19 mars 2019.
Blocages à Libreville
La Bvmac, de son côté, a continué de contester sa valorisation par le cabinet PwC, aux motifs que celle-ci ne tient pas compte de la valeur de son fonds de commerce et de la valeur de sa plateforme, tout en contestant également la valorisation de DSX. Par ailleurs, la Bvmac exigeait des indemnités à verser à ses dirigeants et son personnel largement supérieures aux droits légaux.
Pour le gouverneur de la Banque centrale, « ces demandes de la Bvmac n’étaient pas justifiées, dans la mesure où n’ayant qu’une seule société cotée et n’ayant jamais dégagé de bénéfice en 17 ans d’activité, la Bvmac ne pouvait revendiquer aucun fonds de commerce. La plateforme de la Bvmac était reconnue obsolète par tous les auditeurs (CMF, Cosumaf et PwC), sa valeur était donc nulle ».
Par ailleurs, ajoute le gouverneur, « le montant de l’indemnité à verser aux dirigeants et au personnel de la Bvmac avait été calculé par le Cabinet PwC, conformément à la réglementation. Toutefois, il avait été indiqué aux représentants de la Bvmac qu’ils avaient tout le loisir de s’adresser aux instances communautaires pour solliciter le versement de primes supplémentaires ».
Eu égard aux obstacles dressés par les dirigeants de la Bvmac, le gouverneur de la Beac a saisi le président de la Cosumaf par lettre du 7 mars 2019 à l’effet de prendre toutes les dispositions pour placer la Bvmac sous administration provisoire et d’y nommer un administrateur provisoire avec mandat de finaliser la fusion dans un délai maximum de trois semaines. En réponse à la demande du gouverneur de la Beac, la Cosumaf a, par décision n° 2019-1 du 13 mars 2019, mis sous administration provisoire la Bvmac et nommé Alili Patrick Romuald en qualité d’administrateur provisoire de la Bvmac, habilité à procéder aux négociations liées au dénouement du processus de fusion des deux bourses de la Cemac.
Sauf que le ministre de l’Économie, de la Prospective et de la Programmation du développement du Gabon récuse, par correspondance du 18 mars 2019 adressée au président de la Cosumaf, la mise sous administration provisoire de la Bvmac et exhorte le président de la Cosumaf à « suspendre toute action visant à la mise en œuvre de cette décision dans l’attente du Comité ministériel et de la Conférence des chefs d’État prévus les 23 et 24 mars 2019 à Ndjamena ».
Épilogue
Statuant sur l’état d’avancement du processus de fusion des marchés financiers, lors de sa concertation du 23 mars 2019 à Ndjamena, et afin de garantir l’aboutissement heureux de ce processus, en particulier la fusion des deux bourses (Bvmac et DSX), le Comité ministériel de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac) a recommandé que le processus de fusion des deux bourses se poursuive suivant les orientations décidées de commun accord par la Cosumaf et la Beac. Le Comité ministériel a également encouragé tous les ministres à apporter tout leur soutien à la finalisation rapide de la fusion de la Bvmac et de DSX.
C’est dans ce contexte que l’administration provisoire de la Bvmac s’est poursuivie suivant les orientations de la décision de la Cosumaf No2019-1 du 13 mars 2019, en vue de la validation du Traité de fusion par les organes délibérants de la Bvmac. L’administrateur provisoire de la Bvmac a été officiellement installé dans les locaux de la Bourse le 16 mai 2019 et l’assemblée générale extraordinaire s’est tenue le 23 mai 2019, pour valider les comptes de l’exercice clos au 31 décembre 2018 et examiner le projet de Traité de fusion.
C’est à la suite de cette assemblée générale que les différentes observations et préoccupations soulevées par les actionnaires de la Bvmac ont été clarifiées par le cabinet PwC, chargé de la de l’évaluation des deux bourses en vue de leur fusion.
Finalement, lors des assemblées générales extraordinaires des deux bourses (Bvmac et DSX) ont validé le Traité de fusion le 1er juillet 2019, consacrant ainsi l’aboutissement du processus de fusion des deux entreprises de marché. L’assemblée générale extraordinaire et le premier conseil d’administration de la Bourse unifiée se sont tenus le 4 juillet 2019 à Douala, au Cameroun.
Le processus de fusion en cours a abouti à une nouvelle configuration du marché financier régional articulé autour d’un régulateur unique basé à Libreville (Gabon). Le siège de la bourse unique, lui, est fixé à Douala (Cameroun).
Sylvain Andzongo