(Le Nouveau Gabon) - Le Gabon est l’un des premiers pays africains à adopter une politique d’assurance maladie obligatoire avec la création de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMGS) en 2007. Le système, bien que salué par bon nombre d’observateurs, doit encore faire face à de nombreux défis. Parmi ces défis, les fausses déclarations des populations et la stagnation des recettes, couplée à l’augmentation continue du nombre d’assurés.
L’une des particularités de l’assurance maladie universelle au Gabon, c’est la disposition d’un fonds destiné à la couverture sanitaire des Gabonais économiquement faibles (GEF). D’après le Pr Michel Mboussou (photo), directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (CNAMSG), au 31 décembre 2015, ce Fonds comprenait 258 629 Gabonais économiquement faibles (GEF) assurés principaux, 27 588 étudiants assurés principaux, 7088 élèves non-ayants droits assurés principaux et 55 religieux assurés principaux, auxquels s’ajoutent les 223 310 ayants-droits de toutes ces catégories sociales. Ce qui fait un effectif total de 516 666 personnes immatriculés au fonds des GEF. Il faut noter que la loi autorise la CNAMGS à assurer la couverture sanitaire des étudiants, élèves et enfants dans le cadre de ce fonds, bien que ces personnes ne soient pas considérées comme des personnes économiquement faibles.
Selon les résultats de la dernière campagne d’immatriculation des GEF, la CNAMGS indique avoir enregistré 183 157 assurés principaux et 53 768 ayants-droit, soit 236 925 personnes. Mais, ces derniers ne seront intégrés dans la base de données de la CNAMGS que lorsque des enquêtes sociales auront été réalisées pour expurger de cette liste les Gabonais ayant des revenus déclarés, indique Pr Michel Mboussou.
Ainsi donc, ils sont nombreux les Gabonais qui, lors de l’enregistrement, se sont fait enrôlé comme Gabonais économiquement faibles afin de bénéficier des avantages de l’assurance maladie alors que ceux-là avaient des revenus déclarés. Il faut noter que la CNAMGS ne rembourse à 100% que les soins de santé des mères. Le coût des autres frais médicaux pris en charge étant remboursé à 80% et à 90% dans le cas des affections chroniques. Le reste des 20% ou 10% étant à la charge du patient assuré.
Les enregistrements frauduleux ont donc fait perdre à l’Etat gabonais des centaines de millions de francs Cfa par mois durant plusieurs années.
Des fausses déclarations
Dans une interview accordée au quotidien L’Union en mars 2016, le directeur général de la CNAMGS expliquait que le système déclaratif d’enrôlement des Gabonais économiquement faibles, sans au préalable une enquête sociale avait encouragé ces irrégularités. Une situation que les « circonstances ont imposé au début des activités de la CNAMGS » d’autant plus que les activités de la CNAMGS ont commencé par la prise en charge des GEF, d’où la volonté des Gabonais non éligibles à ce fonds à s’enregistrer rapidement en oubliant qu’il était également prévu la prise en charge des autres catégories sociales, explique le Pr Michel Mboussou.
Face à cette situation, la CNAMGS a plus tard décidé de procéder à la vérification de la liste des GEF enregistrés. La stratégie a été simple : croiser les fichiers de la CNAMGS avec ceux de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), avec ceux de la Direction de la Solde et avec ceux de l’ex-CDE. Les résultats ont été surprenants : « L’on a constaté 12 642 assurés principaux détectés en doublon et 14 959 enfants rattachés à la CNSS, 129 assurés principaux en doublon et 17 enfants rattachés à la Solde. A l’ex-CDE, 61 assurés principaux en doublon et 52 enfants y étaient rattachés », laisse entendre le Pr Michel Mboussou. S’en suivra le retrait immédiat de ces doublons dans le fichier de la CNAMGS. Ce qui a fait en sorte que la CNAMGS économise au deuxième trimestre 2014 la somme de 643 387 000 FCfa représentant le paiement de prestations familiales.
Globalement, les résultats de ce croisement des listes ont été probants. « Le partenariat entre la CNAMGS et la direction de la Solde a permis le paiement des prestations familiales des agents de l’Etat sur la base du fichier CNAMGS, qui est biométrique, alors qu’à la direction de la Solde, le système est déclaratif. Cette opération a permis de détecter 90 000 enfants fictifs enregistrés dans le fichier de la Solde, avec des faux actes de naissance. Par ce système, la CNAMGS fait réaliser à l’Etat, depuis février 2015, des économies de l’ordre de 700 millions de FCfa par mois », révèle le Pr Michel Mboussou.
Pour limiter ces enregistrements frauduleux, le DG de la CNAMGS annonce la création « dans les prochains mois » d’un quatrième fonds destiné aux travailleurs indépendants et aux petits opérateurs économiques du secteur informel. Ceci accompagné d’une large sensibilisation des populations sur les risques qu’encourent les personnes qui font des fausses déclarations. Pour le quatrième fonds de la CNAMGS, en mars dernier, le ministre du Budget et des Comptes publics, Christian Magnagna, a d’ailleurs indiqué aux personnels de la main d’œuvre non permanente que, conformément aux dispositions des articles 1 et 3 du décret du 2 mars 2015 relatif aux taux de cotisation et au plafonnement des salaires soumis à cotisation des affiliés des secteurs public, parapublic et privé au régime obligatoire d’assurance maladie et de garantie sociale, les prélèvements des cotisations Cnamgs sur leur salaire au taux de 1% étaient désormais effectifs.
Jusqu’ici la CNAMGS est composée de trois fonds : le fonds d’assurance maladie des agents publics de l’État ; le fonds des travailleurs salariés du secteur privé, parapublic, des travailleurs indépendants, des professions artisanales, commerciales et libérales et enfin le fonds de garantie sociale des Gabonais économiquement faibles, des étudiants, des élèves et des réfugiés.
Menace sur le fonds des GEF
Le fonds des GEF est financé par la redevance obligatoire à l’assurance maladie, assise sur le chiffre d’affaires des sociétés de téléphonie mobile, soit 10% et les transferts des fonds à l’étranger, hors zone CEMAC, soit 1,5% du montant à transférer.
D’après la CNAMGS, les recettes du Fonds des GEF stagnent alors que l’on observe une tendance haussière des dépenses. Situation causée d’après la CNAMGS aux difficultés de règlement de certains opérateurs mobiles, à la forte progression des dépenses de santé suscitée par l’engouement des populations, soit en moyenne 3,5 milliards de F.Cfa par an, et surtout aux arriérés de la redevance non reversés. Arriérés qui s’élèvent à 19 milliards de F.Cfa pour le compte des années 2010 à 2014.
« Concernant les prestations de santé, il convient de signaler que l’équilibre financier du Fonds des GEF, déjà fragile au cours des deux dernières années, est rompu en 2015. En effet, sur les 15 milliards de Francs Cfa de recettes encaissées, les dépenses de santé ont été de 16,2 milliards de F.Cfa, dont 14,9 milliards de FCfa pour les dépenses techniques locales et 1,3 milliard de francs Cfa pour les évacuations sanitaires à l’étranger. Soit, un résultat négatif de – 0,7 milliards de FCfa », explique le DG de la CNAMGS au quotidien l’Union.
En clair, en perspectives, avec l’augmentation du nombre des assurés et leurs ayants-droit, avec l’accumulation et les difficultés d’apurement d’arriérés, il est fort probable que le fonds des GEF n’assume plus convenablement ses missions. Pour limiter les dégâts, la CNAMGS compte sur la promesse et l’engagement du gouvernement et du patronat gabonais d’étendre à tous de la Redevance obligatoire d’assurance maladie.
L’assurance universelle, une ambition d’Omar Bongo
D’après les données de l’OMS et de la CNAMGS, la politique de gratuité des soins des populations au Gabon commence en 1991 avec la loi n° 3/91 du 26 mars 1991 qui garantissait la gratuité des soins aux fonctionnaires dans les structures publiques. Les employés du secteur privé, eux, bénéficiaient d’une couverture maladie financée uniquement par les cotisations patronales de 4,1 %. Les agents contractuels de l’État, les travailleurs indépendants et les indigents étaient couverts par la Caisse Nationale de Garantie Sociale (CNGS) par l’entremise d’une subvention de l’État.
En 2002, le risque maladie est identifié parmi les sujets les plus préoccupants des Gabonais. Deux ans plus tard, des experts internationaux, à la demande du défunt président, Omar BONGO ONDIMBA, réalisent une étude de faisabilité d’une assurance maladie obligatoire et universelle au Gabon. Des experts nationaux et internationaux se réunissent pour trouver les meilleures solutions au problème et deux propositions sont faites. Le président Omar Bongo qui doit choisir parmi les propositions opte pour la création de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie et de Garantie Sociale du Gabon (CNAMGS). Une entité dédiée essentiellement à l’assurance maladie et la garantie sociale, autrefois activités de la branche maladie et évacuations sanitaires de la CNSS.
L’ordonnance n° 002/PR/2007 du 04 janvier 2007 instituant un Régime obligatoire d’assurance maladie et de garantie sociale en République gabonaise créée donc également la CNAMGS. Et c’est le 19 décembre 2008 que le président Omar Bongo remet officiellement les premières cartes d’assurance maladie CNAMGS aux Gabonais économiquement faibles concrétisant ainsi son vœu de voir les moins nantis accéder plus aisément aux soins de santé.
Baisse des taux de cotisation
Une autre réforme interviendra en 2008. Le gouvernement qui subventionnait la couverture des indigents met en place un fonds de garantie sociale pour les "Gabonais économiquement faibles" (GEF). En 2011, poursuivant l’œuvre d’Omar Bongo, Ali Bongo œuvre pour que ce ROAM soit étendu aux travailleurs du secteur public et, en 2013, aux travailleurs du secteur privé, autrefois affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale. Sous l’ère Ali Bongo, on va noter la revalorisation du montant des allocations familiales des Gabonais économiquement faibles de 1000 FCFA par enfant et par mois à 4000 FCFA. En août 2014, ce montant passera à 5000 FCFA.
Il faut aussi relever que, lors du conseil des ministres du 29 janvier 2015, Ali Bongo, avait décidé de revoir à la baisse les taux de cotisation pour les personnels assujettis au Régime obligatoire d’Assurance maladie et de garantie sociale. Ce sont les affiliés des secteurs public, parapublic et privé. Ces taux sont à présent de 4,10 % à la charge de l’employeur (sans changement), de 1 % à la charge du travailleur (contre 2,5 % auparavant) et 0,5 % à la charge du retraité (contre 1,5 % auparavant). Par ailleurs, précise le communiqué du conseil des ministres, la part du salaire mensuel soumise à cotisation est désormais plafonnée à 2,5 millions de FCfa.
Pour la CNAMGS dont le slogan est « la solidarité a un sens », c’est grâce aux qualités de visionnaire du défunt président Omar BONGO ONDIMBA que le Gabon est « le premier pays en Afrique subsaharienne à disposer d’un régime obligatoire d’assurance maladie universelle ».
« Cet héritage fait aujourd’hui la fierté de tous les Gabonais et suscite l’admiration d’autres pays africains qui veulent s’inspirer de l’expérience gabonaise en matière d’assurance maladie », se réjouit la CNAMGS.
Beaugas-Orain Djoyum