(Agence Ecofin) - Ils disposent d’un sous-sol riche, hébergeant d’immenses ressources minérales, mais leurs secteurs miniers ne contribuent encore que faiblement (ou pas du tout) à l’économie. Nombreux sont ces pays africains qui n’arrivent toujours pas à valoriser leur important potentiel minier. Les raisons varient entre un manque de volonté politique et l’absence de mesures efficaces pour attirer les investisseurs. Au Gabon, le gouvernement veut renverser la tendance et faire des mines un grand contributeur au PIB. Pour ce faire, il faudra du temps, de la patience, mais également impulser la dynamique du manganèse à d’autres minéraux.
Pas encore un véritable pilier de l’économie
Le Gabon est la troisième économie d’Afrique centrale (13% du PIB régional en 2017) et un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. S’il est une des nations africaines où le PIB/habitant est le plus élevé (plus de 7 500 $), il doit sa bonne fortune en grande partie à son pétrole. Mais la dégringolade des prix de l’or noir oblige l’Etat à la diversification. Les Mines ont tout de la solution idéale pour atteindre cet objectif.
Alors que la richesse du sous-sol gabonais ferait rêver plus d’un, le secteur minier n'a contribué que pour 2% au PIB du pays en 2016. « Partie de 2% en 2016, la contribution du secteur minier au Produit intérieur brut est passée aujourd’hui à 6% », a déclaré début 2019 le ministre des Mines d’alors, Christian Magnagna. Mieux, selon des données de la Direction générale du Trésor français datant de 2018, le secteur contribuerait pour 6% aux exportations et 3% environ à l’emploi privé.
Pour parcourir tout ce chemin en peu de temps, le Gabon a pu compter sur l’exploitation du manganèse, son premier produit minier d’exploitation. Le pays est, avec l’Afrique du Sud, l’un des plus grands producteurs mondiaux du minerai.
Pour parcourir tout ce chemin en peu de temps, le Gabon a pu compter sur l’exploitation du manganèse, son premier produit minier d’exploitation. Le pays est, avec l’Afrique du Sud, l’un des plus grands producteurs mondiaux du minerai.
Pour que le gouvernement atteigne son objectif de porter la contribution du secteur minier au PIB à 10% d’ici 2021, le manganèse aura un rôle primordial à jouer. L’or, le second produit minier exploité, et les autres ressources naturelles du pays seront également déterminants.
Devenir le premier producteur mondial de manganèse
Le secteur gabonais du manganèse est dominé par trois sociétés. Il s’agit, en l’occurrence, de la Comilog (filiale du groupe français Eramet), son concurrent indien Nouvelle Gabon Mining, ainsi que la Compagnie industrielle et commerciale des mines de Huazhou (CICMHZ), filiale du chinois Commercial Industrial and Mining Company.
Comilog, filiale du groupe français Eramet.
Ces trois compagnies ont permis au Gabon de produire en 2018 plus de 6 millions de tonnes de manganèse. Comilog est de loin le plus grand producteur du pays avec 4,5 millions de tonnes de ce total, un chiffre que la compagnie veut augmenter à 5 millions de tonnes, puis 7 millions, d’ici 2023. Quant à Nouvelle Gabon Mining, filiale du groupe indien Coalsale Group, elle a produit un record de 1,4 million de tonnes en 2018 et veut porter ce volume à 2 millions. De son côté, CICMHZ ne produit pour le moment que 390 000 tonnes, mais son objectif est de franchir rapidement le cap des 500 000 tonnes.
Comilog est de loin le plus grand producteur du pays avec 4,5 millions de tonnes de ce total, un chiffre que la compagnie veut augmenter à 5 millions de tonnes, puis 7 millions, d’ici 2023.
En 2019, la production de manganèse a augmenté pour atteindre 6,67 millions de tonnes. Selon les chiffres de la Direction générale de l’économie et de la politique fiscale, cette performance s’expliquerait par des améliorations opérationnelles sur les sites miniers, en particulier grâce à l’utilisation d’un nouveau procédé de traitement à sec du minerai et au renforcement des capacités de production du gisement de Biniomi près de Franceville.
Le challenger indien Nouvelle Gabon Mining.
Aujourd’hui, la production de manganèse du Gabon avoisine sans doute déjà celle de l’Afrique du Sud. Si les volumes actualisés de production de la nation Arc-en-ciel ne sont pas encore connus (plus de 6 millions de tonnes, annuellement, selon certaines sources), il ne fait pas de doute que le Gabon n’est plus loin, si ce n’est déjà le cas, de devenir le leader mondial du secteur.
Les autres richesses du sous-sol gabonais
En dehors du manganèse, le Gabon exploite en petites quantités de l’or, n’en produisant annuellement que 2 tonnes. Ce volume est principalement issu des opérations de la société marocaine Managem, le reste étant attribuable aux mineurs artisanaux. Selon les estimations, les ressources d’or du Gabon seraient beaucoup plus grandes et en grande partie inexplorées. En dehors de Managem, active dans l’exploration à Eteke, près de Mouila, notons la présence d’autres compagnies étrangères comme Goldstone Resources, ou plus récemment le canadien Nexus Gold.
Par ailleurs, dans le cadre de l’atteinte de ses objectifs d’augmentation de la contribution des Mines à l’économie, le Gabon a fait du minerai de fer une ressource stratégique. S’il n’exploite pas encore du fer, il faut dire que le pays en possède en grandes quantités. Le principal gisement se trouverait à Belinga, dans le nord-est, avec des réserves estimées à 1 milliard de tonnes.
S’il n’exploite pas encore du fer, il faut dire que le pays en possède en grandes quantités. Le principal gisement se trouverait à Belinga, dans le nord-est, avec des réserves estimées à 1 milliard de tonnes.
Dans le sud-est, la compagnie australienne Genmin Group veut exploiter dès la fin de cette année son gisement de fer de Baniaka. Citons également des sociétés comme IronRidge Resources, Waratah Resources ou encore Keras Resources.
Le sous-sol hébergerait également de vastes ressources de diamants, de niobium, d’uranium, de cuivre, de zinc ou encore de terres rares. Un grand potentiel que Libreville gagnerait à exploiter.
Se donner les moyens de ses ambitions
Quand il s’agit d’évaluer l’attractivité d’une juridiction minière, le premier critère qu’observent les investisseurs, en dehors du potentiel minéral, est la politique en vigueur. Ainsi, en dehors de vendre les énormes ressources de son sous-sol, attirer des compagnies étrangères pour une exploration accrue, voire une exploitation, passe aussi par des réformes en matière de réglementation.
Le nouveau code minier ouvre de belles perspectives.
Le Gabon semble avoir compris cela, en témoigne l’adoption en juin 2019 d’un nouveau code minier qui réduit des taxes jugées trop contraignantes. Le code offre ainsi plus de flexibilité en matière d’imposition, selon la nature et la taille de la mine, et prévoit, entre autres, un taux à 0% pendant la période de recherche.
« Ce nouvel instrument inaugure de belles perspectives pour le secteur minier gabonais. Grâce à ce nouveau code, le pays ambitionne de faire du secteur minier un véritable vecteur de croissance », commente le nouveau ministre Vincent de Paul Massassa.
Au-delà de la nouvelle charte minière, notons entre autres grandes actions réalisées pour tirer plus de recettes des mines, la signature d’un accord avec les exploitants d’or. Ces derniers s’engagent à verser 10% de leur production à l’opérateur national des Mines. A en croire le ministre des Mines, ce modèle devrait s’étendre aux autres acteurs miniers dans les prochains mois. De plus, le gouvernement compte également s’appuyer sur le regroupement en coopératives des producteurs d’or et de diamants.
L’Etat gabonais œuvre pour se donner les moyens de ses ambitions. Si l’on ne sait pas encore quand la pandémie de covid-19 qui paralyse actuellement le monde prendra fin, ni l’étendue de ses probables répercussions sur les économies, le Gabon a de quoi garder de l’espoir. Même à moyen ou à long terme, ses efforts devraient finir par payer si les prix des matières premières guérissent du nouveau coronavirus.
Louis-Nino Kansoun